Les politiciens et les analystes des deux côtés du Pacifique sont devenus de plus en plus moroses au sujet des relations américano-chinoises et craignent de plus en plus que les deux superpuissances ne s’engagent encore dans une nouvelle guerre froide. Mais non, cette fois, une guerre froide centrée sur la confrontation nucléaire mais sur la technologie.
Les opinions extrêmes selon lesquelles nous sommes au bord d’une nouvelle guerre froide sont exagérées. Il existe d’importantes certes des différences actuelles entre la Chine et les États-Unis mais cela n’a rien à avoir avec la rivalité entre les États-Unis et l’Union soviétique.
Une rivalité technologique !
Le conflit américano-chinois comporte une dimension émergente qui fait écho à ce conflit: la division croissante du monde en deux blocs technologiques, chacun cherchant l’autonomie et l’autosuffisance et s’efforçant de limiter l’accès de l’autre à la société.
En Chine, cette approche est particulièrement évidente dans China 2025, un vaste effort visant à fournir un soutien gouvernemental aux technologies clés et à exclure de la Chine les sociétés occidentales offrant des technologies compétitives. Le plan prévoyait que la Chine atteigne 70% d’autosuffisance dans les principales industries de haute technologie d’ici 2025.
Le gouvernement des États-Unis, pour sa part, s’efforce à la fois de promouvoir les prouesses technologiques américaines et de priver la Chine des fruits de l’innovation américaine. L’année dernière, le Pentagone a annoncé son intention de dépenser 2 milliards de dollars supplémentaires pour soutenir la recherche en intelligence artificielle.
En même temps, l’administration construit des murs technologiques toujours plus hauts autour des États-Unis. Parmi les actions récentes figurent la Loi sur la modernisation de la révision du risque d’investissement étranger (FIRRMA), qui a renforcé la surveillance exercée par le gouvernement des États-Unis sur les investissements étrangers dans les technologies émergentes ayant des incidences sur la sécurité nationale; l’interdiction d’acheter aux Américains la technologie produite par les sociétés chinoises Huawei et ZTE, les deux sociétés sont accusées de fournir une technologie interdite à l’Iran, et l’ajout de 44 nouvelles sociétés chinoises à la « liste noire » du ministère du Commerce, qui répertorie les sociétés pour lesquelles les exportateurs américains la technologie nécessite des licences gouvernementales.
Pourquoi on parle d’une guerre froide ?
Pendant la guerre froide (la vraie), les États-Unis et leurs alliés ont mis en place des accords – le plus important étant le Comité de coordination pour le contrôle multilatéral des exportations (Cocom), qui limitait strictement le transfert de technologie vers l’Union soviétique. La stratégie occidentale reposait sur l’idée que le seul moyen de vaincre l’Union soviétique était de renforcer l’avantage technologique de l’Occident par le biais de programmes dirigés par le Pentagone et d’empêcher l’URSS et ses alliés d’avoir accès à des technologies militaires et à double usage de pointe.
Cela vous rappelle quelque chose ? Exact ! Nous pouvons facilement faire le rapprochement entre ce qui est arrivé avant et ce qui se passe aujourd’hui. Mais, il faut aller plus loin dans l’analyse pour comprendre.
Comme nous l’avons appris pendant l’ère nucléaire, certaines technologies sont trop dangereuses pour être partagées et méritent d’être protégées contre le vol ou le transfert. Tout comme ce qui s’est passé avant, le rôle du gouvernement consistant à s’assurer que les États-Unis et leurs partenaires disposent d’une technologie de pointe est approprié, en particulier pour les technologies que le marché civil pourrait sous-estimer, bien que la flèche de l’innovation allant du secteur privé au gouvernement, plutôt que l’inverse. Plutôt que de faire pression sur leurs alliés, les États-Unis devraient mettre en place un mécanisme de collaboration permettant de partager des informations et de coordonner des stratégies entre des pays aux vues similaires.
La rivalité entre les États-Unis et la Chine est sans aucun doute là pour rester. Mais les deux côtés vont perdre si nous avançons bon gré mal gré vers une guerre froide technologique.